Ce quatrain fait partie d’un poème écrit à quinze ans… comme c’est le cas pour deux ou trois chansons qui sortiront sur l’album de Nara Noïan à la rentrée (Les regrets inutiles) … et j’y pensais hier en promenade :
Ils ont coupé mon bois de pins
Où je jouais, enfant de rêve,
Les bûcherons au cœur repeint
M’en ont promis sur d’autres grèves
Pendant plus d’une décennie, alors que j’habitais à proximité du bois de Halle et que je possédais un grand chien, je pris l’habitude d’y faire quasi tous les jours une promenade d’une petite heure. J’avais trouvé le circuit idéal : un chemin dans la campagne, puis la traversée d’un petit bois, je m’arrêtais contre un gros chêne (à qui je parlais parfois !), le saut par-dessus un ru et enfin une longue remontée, qui faisait battre mon cœur et m’essoufflait, jusqu’à la maison dans l’autre sens.
Habitant plus loin aujourd’hui et n’ayant plus de chien (la dernière disparition m’avait brisé le cœur et je ne voulais plus revivre ça, si c’était possible), j’ai un autre parcours plus sage dans une autre partie du bois. Mais hier, je me suis demandé comment j’allais retrouver ce parcours et j’y suis retourné. J’avais adoré y suivre au jour le jour le changement des saisons, l’arrivée des jacinthes, les feuilles mortes. Je voyais dans cet exercice une source de réflexion et de sérénité face à la vie et la mort, qui me faisait un bien immense, équilibrant ma vie plus chahutée dans l’audiovisuel.
J’ai retrouvé le chemin et, en particulier, le parfum des résineux que je préfère. Mais à l’entrée du bois, je fus surpris et… triste. Des troncs, des branches mortes barraient l’entrée. Ancien scout, je l’ai escaladée. Le spectacle me désola : un tracteur était passé, quantité d’arbres étaient abattus, le chemin lui-même avait presque disparu. Je voulus tout de même refaire mon trajet. Ce fut difficile. Je me suis embourbé dans une sorte de mare qui n’existait pas avant. Je me tordais la cheville. Les branches me griffaient. Je ne parvins jamais à atteindre mon gros chêne… Etait-il toujours vivant ? Enfin je retrouvai la route et je remontai…
Bien sûr, j’avais eu le temps d’observer les fleurs dans les prairies et même avant le bois, dans un pré, des moutons et des agneaux. J’avais admiré au milieu du bois encore épargné la majesté des arbres (Les photos ci-dessous), mais je garde au cœur de la mélancolie. Le temps s’envole et change tout, c’est ainsi. Bien sûr, je suis heureux d’avoir pu vivre « en ce temps-là » ces promenades dans un bois encore vivant, intact et magnifique !
Philippe Colmant a dit:
Bonjour Jacques!
Merci pour ce morceau d’enfance/adolescence. Heureusement qu’il reste la mémoire pour immortaliser nos histoires d’arbres, ces confesseurs d’adolescence, que le temps finit souvent par abattre. Je dois avoir de l’Idéfix en moi: je n’aime pas les arbres coupés. Je les préfère debout et vivants, ces antennes qui relient la terre au ciel, ces épaules pour les hommes… Belle journée, cher ami!
Philippe
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jacquesmercier a dit:
Merci, cher poète !
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viviane de leener a dit:
Deux enfants gambadent au travers du tapis bleu des jacinthes, furtive est leur chasse à la recherche du bonheur que procure la découverte de quelques muguets dissimulés dans une partie bien précise du bois de Hal, que de souvenirs…Le soleil filtré par les grands pins et autres arbres bénit ces beaux moments. C’est l’image de mes enfants heureux que me renvoie le bois de Hal.
Je n’ose y vivre mon retour avec mes petites filles de quatre ans pour y subir le choc d’une hécatombe forestière…
Des images précises d’une virée forestière très médiatisée du début des années soixante remontent en moi, …nous, les petits bruxellois des écoles communales avions pour mission de repeupler la Foret de Soignes. J’y ai planté un arbre…
Est-il encore là aujourd’hui? Quelle est sa hauteur après plus de cinquante années passées…Je ne le saurai jamais…
Pourvu qu’une tempête ou qu’un homme n’aie pas eu raison de sa vie d’arbre?
Ma seule consolation serait alors qu’il soit devenu le papier sur lequel vous écrivez vos beaux textes…
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jacquesmercier a dit:
Ne soyez pas trop inquiète, Viviane. Je ne parle dans mon billet que d’un petit bois privé, accolé au vrai Bois de Halle, bien protégé, surveillé ; y compris par des gardes forestiers qui m’ont un jour parlé des meutes de cerfs et de biches… J’ai vu dans ce bois un chevreuil, des renards, des lapins… C’est seulement ce joli bois qui semble aujourd’hui destiné à d’autres usages (bois à brûler sans doute… car je ne pense pas qu’on puisse construire dans ce coin…) Merci pour l’appréciation des textes ! 🙂
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viviane de leener a dit:
😉
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Agnès a dit:
Merci ,Monsieur Jacques,
de nous avoir partagé vos photos de votre promenade .
Votre ange – gardien est près de vous il vous a évité une foulure de cheville !
Restez bien entier car votre représentation doit encore charmer pour vos nouvelles créations .
Bien à vous grand scout !
Je me suis fais mon cinéma avec votre belle description et ai bien souris
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jacquesmercier a dit:
Ouiiii, Agnès ! 🙂
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Christine a dit:
« Le temps s’envole et change tout. » Certes. Mais rien ne se perd…
C’est incroyable comme les mots bien choisis (merci !) peuvent soulever en toi des sensations, des images, la nostalgie, la douceur, les odeurs et la beauté des lieux (sans même y avoir été…).
Tout est palpable ici.
Et je le vois ce gros chêne, encore debout, vivant et gardant sous sa peau tous vos mots…
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jacquesmercier a dit:
Merci, Christine 🌹😃
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André Debière a dit:
Voilà ce qu’a évoqué en moi, votre histoire, Jacques, allez savoir pourquoi :
Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d’où l’oeil plonge en une oblique allée,
Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. – Au bruit de son pas grave et sombre,
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l’ombre
Des jours qui ne sont plus !
(nul doute que vous identifiez ce poème archi célèbre)
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jacquesmercier a dit:
Victor Hugo…. Oui ! Merci André 😃
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